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La goélette Belle-Poule

Au gré du vent

Quelques histoires brèves vécues au cours de ces deux ans de commandement. Que ce soit en mer à l'occasion d'une traversée, en escale en France ou à l'étranger ou dans le port de Brest pendant des travaux d'entretien, il est des perles qui marquent la vie du voilier. Elles sont vécues différemment par chacun. Les voici vues par le commandant.

La goélette
L'origine du nom
La grande pêche
Hommage à Eric
La Belle-Poule et l'art
Au gré du vent
En regardant les photos
Guy, le photographe
L'auteur
Bibliographie,
liens, contacts

Plan du site


Page 1
Histoire d'un virement
Piégé dans les "marmites" de la rade
Prendre un pilote

Page 2
Coup de chien
En escale

Page 3
L'équipage
Soeurs jumelles, soeurs ennemies


Page 2/3

Coup de chien.

Nous sommes au large de côtes bretonnes, à quelques dizaines de milles dans le nord-ouest de l'Aber Wrac'h ; la mer se creuse et le vent force régulièrement.

Le clin foc réservé au petit temps a déjà été amené et l'équipe de quart fini d'affaler l'étai.
Deux gabiers sont partis dans les enfléchures pour le ferler. Ils atteignent vite le chouque de misaine là où le mât du hune commence.
Le chef du quart a désigné les plus expérimentés de sa bordée, Jérôme, mon maître d'hôtel et Sébastien, car la mer commence à se faire sentir et le roulis ne rend pas la manœuvre aisée à 22 mètres au dessus du pont.

Deux autres, déjà munis de leur harnais de sécurité enjambent le bastingage et montent vers le chouque de grand mât pour en faire autant avec le flèche.

Sur le pont, le bosco de la bordée, dirige son équipe et prépare la prise de tours dans la grand voile ; le vent force rapidement.

La météo prise il y a quelques heures n'annonçait pas ce changement de temps. Seule l'observation du ciel bleu, trop limpide à mon sens, avait commencé à me donner l'éveil.
Le vent est monté à force 5, peut-être 6 ou 7 par moments. La voilure a été réduite : trois tours dans la grand voile, deux dans la misaine "pour équilibrer", le hunier à "mi-bâton", trinquette, petit et grand foc.

La Belle-Poule est prête.

Dans le poste milieu, les hamacs de la bordée des élèves au repos se balancent au rythme du tangage, berçant leur sommeil.
La goélette avance sans brutalité à près de 7 nœuds, presque sans remuer d'eau. Le sillage blanc est lisse et ses 280 tonnes compensent presque la gîte.
De temps en temps une série de vagues plus hautes se profilent ; l'étrave se lève à la lame, l'une d'entre elles déferle sur le pont.

C'est au barreur de jouer, Fabrice notre Calédonien, Momo pour l'équipage ; A lui de prévoir et de soulager le bateau, à lui de lofer un peu plus pour "effacer" la vague.
La goélette est docile et répond parfaitement mais la barre demande de l'attention. Un coup d'œil au guindant de hunier qui frise, un coup d'œil à la grand-voile, il faut abattre un peu, on est trop près du vent, un autre au compas, …

Les milles s'alignent sur la carte.

La côte s'approche rapidement. Il faut virer de bord. Avec ce temps un manque à virer est toujours possible. "Qu'un second vint à manquer" … disaient les anciens, et nous serions à la côte ; c'est ainsi que se sont abîmées de nombreuses goélettes au retour d'Islande.

"Pare à virer vent devant!"

La plage avant s'anime ; on s'affaire aux écoutes, "Paré!" annonce le bosco.
Fabrice met la barre à gauche, l'étrave remonte dans le vent, "File les focs!".
Les focs sont filés mais la trinquette est conservée à contre pour assurer le virement. Maintenu également à contre, le hunier aide au virement qui n'est pas encore sûr de réussir.

La grand voile et la misaine sont bordées ; cinq personnes halent sur l'écoute de grand voile.
"Focs dessous!" Le lit du vent semble être passé, la Belle Poule abat lentement, sans vitesse d'abord, puis prend un peu d'erre en arrière sous l'effet du hunier.
"Rencontre !" pour tenir compte de ce nouvel élément !
L'écoute de grand-voile est choquée, le hunier est "changé".

C'est gagné ! Avec ses voiles bien réglées la Belle Poule reprend peu à peu de la vitesse et serre au mieux le vent, légèrement ardente. Le près n'est pas l'allure privilégiée, la dérive est important et l'on tire des bord à plus de 120° du vent.
Bientôt nous pourrons abattre et nous laisser porter vers notre destination : l'Aber Wrac'h.

Le second sera heureux, nous mouillerons à deux encablures de sa maison. Peut-être me demandera-t-il l'autorisation d'aller à terre passer la soirée …


En escale.

Les cuivres

Nous sommes arrivés avec de l'avance à Penzance, ce joli petit port de Cornouailles. Le vent est encore fort et j'ai décidé d'aller à terre repérer la manœuvre. Une passe étroite entre deux portes débouchant sur un petit bassin ou les voiliers invités à ce rassemblement sont déjà en nombre.

La température en cette fin d'après-midi est fraîche ; " On supporte son cache-nez ! … " m'assure Yves, le médecin réserviste peut habitué à ce rude climat puisque résidant à Nice, en enfonçant les mains dans ses poches, " … et si on se frottait un petit cuivre ou deux pour se réchauffer ? ".

Ce n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd ; Boss passait par là ! Bientôt tout le monde se retrouve avec son chiffon et son " brillant belge " : la Belle Poule se fait superbe, comme à son habitude, pour son entrée au port.
Il y a des mauvaises langues qui affirment que la consommation du brillant belge utilisé est plus importante que celle de gazole pour le moteur !

Briquer le pont.

Sur la plage avant quatre réservistes pieds nus briquent le pont, sans brique comme autrefois, mais au ballet brosse et au détergent. Le plus ancien est un Chirurgien dentiste, un "cinq pleins", un réserviste qui vient régulièrement servir à bord de la Belle-Poule en qualité de "matelot de pont".

L'équipage en bordée : le Guennec.

La virée à terre commence. Ils vont, Guennec en poche (le sou breton), à pieds ou en taxi. Quatre jours d'escale ne suffiront pas à découvrir les trésors de la région. "T'as pas quelques Guennecs en trop?", "Ici, tu as combien de Guennecs pour cents Francs?" Le Guennec, c'est le nom attribué, par le marin en escale, à toute monnaie étrangère, une espèce de terme espéranto au service de la Marine. Il n'y a plus ni Kopeck, ni Peso. Pesetas, Livres ou Drachmes n'ont plus court. LeRial, le Zloty, lePenny ont fondu ... Seul reste le Guennec, il est monnaie étalon. Mais le Guennec lui-même a un surnom : "Tu n'aurais pas quelques "Merdiers" de reste pour me dépanner?"

De ces sorties à terre pleines de rencontres et d'imprévus, chacun rapportera informations, impressions, découvertes, comparaisons à partager avec tout l'équipage. ....

Retour d'escale, l'appareillage

Les quatre jours d'escale ont passé aussi vite et denses qu'un grain orageux. Le beau pays de Cornouailles s'éloigne. Chacun emporte quelques cadeaux à offrir ; le marchand de soupe a fait son plein de légumes, de fruits et d'eau douce. Il ne reste plus qu'à faire route ; à droite en sortant et tout droit jusqu'à l'Aber Wrac'h, terre natale de bon nombre de nos marins.

"Du monde à la grand-voile! Boss.... t'as quelqu'un au guide corne? A toi le lève nez. O...! Assure les balancines ? Allez rapidement les gars! Oh! oh! Paré à amurer le hunier! Tiens bon l'étai!" ...

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